is this love

I wanna love you and treat you right
I wanna love you every day and every night
We’ll be together with a roof right over our heads
We’ll share the shelter of my single bed
We’ll share the same room, Jah provide the bread
Is this love, is this love, is this love
Is this love that I’m feeling
Is this love that I’m feeling
I wanna know, wanna know, wanna know now
I got to know, got to know, got to know now
I’m willing and able
So I throw my cards on your table

Bob Marley and the Wailers

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Yves Jolivet, des éditions Le mot et le reste, m’avait proposé de participer à sa nouvelle collection : Solo. Nous nous sommes enfin rencontrés pour parler du projet le 13/03/08 à l’occasion du Salon du livre de Paris.

Du 03/05/08 au 26/06/08 : écriture du texte.

ajout du 08/07/08
Finalement, le texte sera publié dans la collection Écrits et a pour titre Is this love.

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Historique des billets consacrés au livre sur mon blog :

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Historique des versions en fonction des dates d’envoi à l’éditeur :

  • version n°1 le 1/07/08
  • version n°2 le 25/09/08
  • version n°3 le 3/10/08
  • version n°4 le 16/10/08
  • version n°5 le 29/11/08
  • version n°6 le 15/12/08

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Voici la page consacrée au livre sur le site de l’éditeur.

La date de parution : le 30 janvier 2009.

Dédicace [compte-rendu écrit] : Magali Brénon et moi étions présentes le 14 mars 2009 lors du Salon du livre de Paris .

Lecture [compte-rendu écrit] : en compagnie de Magali Brénon au Mk2 Livres duMK2 Bibliothèque à Paris le 25 avril 2009.

Entretien [compte-rendu écrit] + entretien (audio) : la Bibliothèque départementale des Bouches-du-Rhône a proposé à Marseille le 19 septembre 2009 une lecture croisée des deux sorties d’ouvrage de janvier des éditions le Mot  et le Reste : J’attends Mehdi de Magali Brénon et Is this Love. Avec les auteures, il s’agit aussi d’un échange avec Yves Jolivet sur la construction d’un ouvrage, du manuscrit à l’édition, accompagné par un modérateur, Pascal Jourdana.
Lieu : BPD Auditorium, bibliothèque Gaston Defferre, 20 rue Mirès
Lecteur : Raphaël France-Kullmann
Informations sur le site de l’ADAAL, co-organisatrice de l’événement.

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Is this love est dédié :

  1. à ceux qui n’avaient pas parié un kopeck sur l’élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis d’Amérique
  2. à ceux qui avaient mis leur main au feu et s’en réjouissent
  3. à ceux qui pensent que la face du monde n’en sera pas pour autant bouleversée
  4. aux lecteurs de bonne volonté comme à ceux qui en manque

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Is this love est la rencontre entre les flux d’Enfin. On fera silence et la rigueur de Liberté • Égalité • Fraternité ou les Élections : les deux poupée russes dont il est issu.

Pendant de longs mois j’ai collecté des citations entendues à la radio, à la télévision, lues dans les journaux. Ce sont elles qui servent d’assise, les événements historiques qu’elles font surgir innervent le texte.

La musique, une chanson de Bob Marley soulève met devant le visage troublé deux séries d’images troubles.
Je cherche à me souvenir.

Cela part revient avec la mélodie, s’achève à sa fin.
Écouter le même air jusqu’à l’écœurement, jusqu’à attraper au vol le fil par lequel tenir l’ébauche d’un récit.

Is this love traîne dans son sillage une ombre, ma question : comment vivre après ce qui nous a détruits ?

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Pages 74 à 76 :

Guerres d’indépendance.
Ernesto le « grand révolutionnaire » parcourt la planète, jusqu’à sa mort, jusqu’à la totale propagation des t-shirts arborant sa frimousse christique et ravissante.
Je respire un bon coup : « L’homme que j’aime a un faux air du Che. »
Je serre les poings.

« Vous pensez qu’en Europe, vous avez vécu notamment en Espagne pendant plusieurs années, vous pensez qu’on a une juste vision de Fidel Castro et de son régime ?
– Non, parce que la propagande a fait beaucoup. L’anti-américanisme, le fait de se montrer comme victime des Américains, le Che Guevara associé à la légende, enfin. Ils ont très bien fait. Ils ont d’ailleurs gaspillé beaucoup d’argent à ça. »

Guerroyer pendant dix ans en Angola.
Bob est un produit marchand qu’on arbore sur les t-shirts.
Je secoue la tête de gauche à droite.
Sa voix, reconnaissable entre toutes, cette mélodie lancinante.
Il y a la table aux bords métalliques, la table froide du réfectoire, la pénombre, le lit de mon oncle.
Je suis un pays. Je suis l’agressivité faite femme.
Je n’accorderai pas le pardon à ceux qui bafouent la vie humaine.
Il insiste pour que je parle de moi.
La confiance est une denrée rare : on préfère le riz ou l’igname.

« Je ne peux pas supporter de voir ces gens vivre tout court. »

Je ne lui accorderai pas le pardon pour ce qu’il m’a fait subir.
Il attend la suite.

« J’ai su avaler, digérer la colère. »

Résilience à l’échelle d’une nation, à l’échelle d’un individu : petit trauma personnel.
Je pleure ce qu’il me reste de larmes.

« Beaucoup n’en sont pas capables. »

C’est chrétien de pardonner. C’est humain de décélérer et de dire stop.

« Les véritables victimes, qu’est-ce qu’elles souhaitent ? »

Ce que l’on nomme vengeance.
Il y a son corps dans l’Étang Sec.
De jour comme de nuit, dans le silence, je patrouille, rôde, mon crâne a éclaté, en éparpiller les débris, les brindilles.
Un charnier.
Je me suis cachée dans les marécages. Ça pue mon sang, mon propre cadavre.

Je m’écœure dans cette chanson d’amour, sempiternelle.
Réconciliation nationale : amnistie et grâces accordées.
Je ne saurai pas pardonner, m’étourdis dans le mouvement de la foule qui crie, scande, qui craque en sens inverse, je cours.
Je m’égare en revendications personnelles.
Il me regarde.
Cette carte derrière son bureau. Il y a la carte des Antilles.
Les enfants du pays l’asservissent.
« Ce sont nos propres frères qui nous cassent l’échine, nous rompent le dos. »
D’une violence telle.
Il insiste pour que je parle de moi.
« Pardonne qui voudra, qui pourra, j’en suis incapable. »

Pages 94 et 95 :

Mon père me narre la fable d’une arrière-grand-mère morte, à qui je suis censée ressembler.
Ce mythe : une femme forte, décidée, libre. Une femme qui détenait un livre. Traduire, écrire, en une langue invincible, lourde de sens.

« Parce que quand les colons sont partis de chez nous, c’étaient eux qui avaient tout, ils étaient dans les grandes maisons, ils vivaient bien, et le pauvre Nègre il était à côté qui plantait les trucs. »

Elle porte sur son dos son fardeau, le régime de bananes. Moyen de subsistance. Il porte sur son dos son fardeau, le régime de bananes.
Mon père, son verre de punch, il le lève à la santé de tous les Nègres du monde.
J’ai toujours cette image dans l’oeil : un homme, une femme au coutelas dans le champ de cannes à sucre, celui ou celle du set de table.
Ciel bleu métal, soleil, ses arcs : de quoi faire frire un animal sur place… Un homme, une femme.
Sur leurs dos, le poids d’une histoire coloniale.

« Lorsque j’en aurai vraiment marre, j’irai cultiver la terre, faire pousser des légumes, de la ganja dans une communauté rasta du sud de la Martinique. »
Il en rit. Petit sourire complice.
Le Noir cultive la terre, c’est dans ses gènes, son devoir, son avenir.

« […] et c’est sa force et c’est son assurance de savoir que le monde ne peut pas aller sans paysans, c’était déjà un début de Zion, un début de Terre promise : une terre qui leur appartenait où ils pouvaient faire pousser ce qu’ils voulaient sans avoir de comptes à rendre à personne et sans avoir un fouet qui sifflait au-dessus de leur tête, c’était déjà un peu une terre promise. »

Les femmes noires courent après les hommes blancs.
Je lui raconte : « Elle était assise dans la rame de métro avec son petit ami, les deux Antillais les toisent, les dévisagent, lâchent dans un créole hargneux : “Elle a honte de sa race ou quoi ?” »
S’appliquer des crèmes, se faire des injections de cortisone, se frotter jusqu’au sang, jusqu’au blanc le plus pur, jusqu’à la moelle.
Poils dressés. Cette tignasse. Le coiffeur l’arrête à la porte du salon : « Nous ne coiffons pas ce genre de matière. »
Elle pleure sur ses traits négroïdes…
« Chivé grennen. »
Ce rêve con : qu’il lui passe la main dans ses cheveux non plus crépus, mais enfin lisses.

« Épouser un Blanc, c’est le symbole de la réussite. »

Teint lumineux, teintes : lourds de conséquences.

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